Algo || “Wheresoever you go, go with all your heart.” – Confucius

Algo ne se souvient plus vraiment de sa naissance, et de toute son enfance en vérité. Tout cela reste un souvenir vague et flou, outre le fait qu'il eût très faim et très froid. L'hiver cette année-là à New York avait été particulièrement rude, et sa pauvre mère, qu'il n'a à vrai dire pas réellement connue, avait mis bas dans un coin désert d'Harlem. Les détritus et les rats s'accumulaient dans une impasse bien trop petite pour contenir autant de déchets au mètre carré.

Ce fut pas vraiment cool, sa mère dans son simple souvenir, passait ses journées a errer, sans s'occuper de lui et des autres. Y'avait pas vraiment de liens entre eux, d'ailleurs, il ne se souvient même pas qu'elle leur aient attribué un nom, pour dire comme la complicité régnait ah-ah.

Il se sentait tellement peu attaché a ces chiens la, qu'un jour, il prit son courage à deux pattes et parti affronter la rude vie New Yorkaise.
Il mit d'ailleurs pas longtemps avant de se perdre dans le dédale que sont toutes les impasses et les rues de cette immense cité. Faut dire qu'entre les engins bruyants, les passants, les gosses, et les autres clebs, le petit Algo fut rapidement terrorisé, et chercha vite à se planquer.

C'est ce qu'il fit, à côté des cageots de légumes pourris, entre deux poubelles, derrière une échoppe turque. Et il attendit, il attendit. Mais rien ne venait. En fait, il ne savait pas vraiment ce qu'il attendait, à part une mort certaine, il n'avait pas trop d'idée précise. La nuit tombait rapidement, et la neige, elle aussi, déversait un fin manteau sur la ville de lumières et de bruits. Gémissant, il s'était calfeutré, tremblant de froid et de faim aussi sans doute.

Et puis un miracle se produit, un peu comme dans la Bible, là vous savez ce fameux bouquin que tout le monde lit, enfin quand je dis tout le monde, je pars du principe que c'est plus d'un tiers de la population mondiale sans doute. Et donc, ce miracle, c'était John. Le fameux John.

John était un chic type, la trentaine, les cheveux longs et pouilleux, les ongles noirs, les dents carriées, une superbe haleine de fumeur et une barbe à rendre jaloux Brad Pitt. John était SDF, Sans Domicile Fixe, mais il refusait cette appelation qu'il trouvait totalement méprisante et vide de sens. Il préférait qu'on lui dise qu'il était Libre et Sans Contraintes, un LSC quoi. Il avait pas toujours été LSC John, avant il était plombier dans une petite entreprise de service à la dernière minute. Tic'Tac'Tuyaux cela s'appelait. C'était vraiment chouette, enfin c'est ce qu'il racontait à Algo, quand il était saoul. Il était souvent saoul John, pour oublier parait-il, mais cela lui faisait rien oublier du tout, mais Algo disait rien, et préférait lui faire croire, qu'effectivement quand il buvait, il oubliait.

John avait donc sauvé Algo d'une mort certaine, et l'avait pris sous aile. Les deux compagnons étaient devenus très proche. Algo défendait John la nuit, quand d'autres types un peu moins chics que John venait l'emmerder pour avoir la monnaie qu'il avait réussi à gagner la journée. Car John gagnait son pain, enfin du moins, une demie-baguette par jour, mais il partageait toujours avec Algo. Et puis les deux se tenaient chaud la nuit, dans le brouillard d'Harlem.

Franchement, on peut dire qu'Algo avait une belle vie. Jusqu'au jour où il eut cette Catastrophe. Des déflagrations, une grosse secousse, et puis des cris, des effondrements. Algo et John furent séparés. Il n'avait pas retrouvé son maître dans les décombres, malgré toute sa bonne volonté, ses efforts, son implication. Rien à faire, pas de John.

Inconsciemment, Algo savait que John était parti, mais il ne voulait pas s'avouer vaincu. Après tout, il lui devait sa propre vie.

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